Žilda : [PASOLINI ROMA?]
« Sarei disposto a rinunciare a qualunque cosa per il rimbarbarimento del mondo. »
Pier Paolo Pasolini
Quatre ans après "Io sono una forza del passato" , Žilda retourne à Rome poursuivre son travail sur le cinéma pasolinien.
Un retour à Rome qui suit les mutations du langage cinématographique
de Pier Paolo Pasolini, depuis le moment où il a découvert la caméra,
dans une sorte d’illumination, aux films successifs où tout devient plus
conscient et maîtrisé. Une fois les deux personnages d’Uccellacci e
Uccellini éloignés vers une autre route, une fois Togliatti enterré, le
cinéma pasolinien se tourne davantage vers l’irrationnel, il fait
l’expérience de la couleur, et surtout il quitte les borgate romaines.
Les installations de [Pasolini Roma?] rendent à Rome les images
dé-romanisées des derniers films, et elles le font sauvagement, sans
permission, sans autorisation, parce que célébrer Pasolini de façon
officielle serait déplacé. Pour la beauté du geste, faire resurgir sur
les murs des images crées par un poète du cinéma, un cinéma qui naît de
la peinture et qui retourne ainsi à la peinture. L’unité du film est
déchirée, éparpillée. Les fragments qui naissent de ce déchirement
représentent la perte et la solitude mais ils permettent aussi la
réouverture de l’œuvre. Le style frontal et silencieux du cinéma de
Pasolini, sans plans séquences, ce cinéma de montage, qui isole les
actions et les choses, se prolonge dans les peintures de Žilda.
Continuité donc, mais déplacement également ; les limites du cadre
deviennent ambigües, les images s’immiscent dans un nouveau champ qui
engendre de nouveaux sens et de nouvelles confrontations ; elles se
poursuivent dans un hors-champ qui s’ouvre sur nos imaginaires.
Pour ce retour à Rome, trois films sont choisis, Porcherie, les Mille
et une nuits et Salò, parce qu’il ne faut se résoudre ni au moralisme
ni à l’affadissement de la vie. Lors des repérages, trois lieux
s’imposent, la Casilina, Porta Portese et l’EUR, trois lieux forcément
évocateurs dans une Rome peuplée des personnages pasoliniens et de
Pasolini lui-même qui habita la Ville au sens plein du terme. Au total,
cinq scènes qui représentent le corps, le corps nu ; cinq tableaux qui
dévoilent le sexe, le sexe du plaisir et de la contestation des Mille et
Une nuits et le sexe obligatoire et consumériste de Salò. Si Salò
bénéficie d’une place de choix dans ce dernier projet romain, c’est
aussi parce que Pasolini y laisse une grande marge blanche, le
spectateur y a activement sa place ; Žilda y trouva des images
mystérieuses, d’une puissance nucléaire, qui résistent de façon inouïe à
toute tentative de récupération.
Foutre une claque au passant, le sortir de ses habitudes visuelles,
surtout que ce ne soit pas de l’animation culturelle, que ce ne soit ni
confortable ni inoffensif. Ce n’est pas parce qu’on est dans la rue
qu’il faut simplifier, alors des pièces originales sont là, offertes à
la dégradation collective, à la karchérisation municipale, parce qu’il
ne faut jamais subordonner l’esthétique à l’utile. Ce n’est pas parce
qu’on est dans la rue qu’il faut être rhétorique ; à Rome, en mai 2013,
neuf personnages s’exposent et diffusent le sens du mystère et de
l’énigme.
Lubna S.